Quel rôle politique pour le pape François ?
interview donnée à RFI mardi 19, après l'homélie du pape :
http://www.rfi.fr/europe/20130319-pape-francois-vatican-rome-jean-paul-ii-benoit-xvi
Le blog de francois-mabille.over-blog.fr
François Mabille, Enseignement supérieur, Recherche Analyse des relations internationales, géopolitique, religions, Vatican
interview donnée à RFI mardi 19, après l'homélie du pape :
http://www.rfi.fr/europe/20130319-pape-francois-vatican-rome-jean-paul-ii-benoit-xvi
Revue futuribles, n° 393, march 2013
Dans ce numéro de mars-avril 2013 que Futuribles consacre très largement à l’impact social et politique des religions, François Mabille dresse un panorama de l’évolution récente des religions dans le monde et présente quelques scénarios d’avenir possible pour plusieurs d’entre elles. Il commence par rappeler quelles sont les religions numériquement dominantes dans le monde (christianisme, islam, hindouisme…), quelle est leur répartition géographique et comment elle a évolué depuis près d’un siècle. Il souligne au passage les difficultés inhérentes à de telles évaluations statistiques dont les données peuvent être incomplètes, biaisées ou masquer des évolutions plus subtiles.
Puis François Mabille analyse quatre grandes tendances qui se sont affirmées en matière de mondialisation des présences religieuses : le retour du religieux à l’agenda politique, l’élargissement du spectre des mouvements religieux, le rôle politique croissant des diasporas religieuses, et la vitalité à la fois de l’islam et du christianisme ; autant d’évolutions qui compliquent les processus possibles de sécularisation. L’auteur propose enfin trois coups de projecteur sur l’avenir respectivement du catholicisme (« de la crise à la décadence ? »), de l’islam (« sécularisme, fondamentalisme ou libéralisme ? ») et du bouddhisme revisité à l’occidentale.
http://www.futuribles.com/fr/base/revue/393/regard-prospectif-sur-les-religions-dans-le-monde/
La réalité de la conflictualité est toujours malaisée à aborder. D’une part, la notion de conflit fait l’objet de controverses ; d’autre part, l’insistance sur la persistance de conflits dans le monde occulte une autre réalité, tout aussi importante : celle des sorties de crise ou de guerre. Or les deux aspects doivent s’appréhender globalement. Selon l’UCDP Conflict Encyclopedia réalisée par le Peace and Conflict Department de l’université d’Uppsala, il y aurait eu en 2011 27 conflits infra-étatiques, 1 conflit inter-étatique et 9 conflits en cours d’internationalisation. A ce constat, les chercheurs suédois ajoutent une tendance inquiétante : alors que depuis la fin de la guerre froide, le nombre d’accords de paix avait augmenté (Mozambique, Guatemala, Libéria, Bosnie, Irlande du Nord…), on assisterait depuis 2008 à une inversion de la tendance, désormais, les accords de paix sont revenus à leur seuil des années 70, selon Peter Wallensteen, qui donne l’exemple de la Syrie comme type même de défi posé à la communauté internationale
Parmi ces conflits, quels sont ceux qui sont de nature religieuse ?
pour en savoir plus : http://www.librairie-la-geographie.com/boutique/fiche_produit.cfm?ref=16009&type=478&code_lg=lg_fr&num=41
La renonciation de Benoît XVI a pris de court les catholiques et l’ensemble de l’opinion publique. Depuis la parution de son livre d’entretiens, Lumière du monde, cette renonciation, qu’on appellera plus communément démission, faisait toutefois partie des scénarios prévisibles. On souhaiterait ici proposer une interprétation du geste bénédictin, puis s’interroger sur ses conséquences dans la vie de l’Eglise
Lumière du monde est un ouvrage passionnant, dans lequel le pape se livre avec une grande probité intellectuelle et y dévoile une indéniable naïveté. S’y affirment à la fois un inventaire du pontificat précédent, un passage en revue des actes marquants de sa propre mission en cours avec des aveux d’échec ou de naïvetés. Pour la première fois, Benoît XVI revient sur le rôle du pape et opère une désacralisation de sa fonction. Réaffirmant les limites à l’infaillibilité pontificale, il distingue entre le pouvoir, qu’il dit refuser, et une autorité, qu’il accepte en la référant à l’expression de l’ensemble de l’Eglise catholique, et plus globalement dans une perspective d’unité des chrétiens. Le pape se prononce également pour une expression plus limitée et moins émotionnelle du souverain pontife. Le rejet d’un culte de la personne, fondée sur le charisme personnel et l’émotionnel, transparaît aisément dans les quelques lignes consacrées au JMJ. En contrepoint, on se souviendra de la veillée de prière célébrée par Benoît XVI à Lourdes. Dissociant sa personne de la fonction, Benoît XVI peut sembler privilégier le collectif sur la personnalisation de la fonction, tout en rendant implicitement hommage à Jean-Paul II.
C’est dans ce contexte de réévaluation de la fonction pontificale au sein de l’Eglise que doivent se lire les quelques lignes consacrées à une possible démission : « quand un pape en vient à reconnaître en toute clarté que physiquement, psychiquement et spirituellement il ne peut plus assumer la charge de son ministère, alors il a le droit et, selon les circonstances, le devoir de se retirer ».[1] Joseph Ratzinger, président de la commission théologique internationale au milieu des années, insistait davantage sur « l’Eglise mystère », que sur « l’Eglise, sujet historique ». Trente plus tard, et l’expérience de Jean-Paul II vécue, Benoît XVI met en exergue la seconde et voue son existence, dans la prière, à la première.
Ce geste a été dans l’ensemble bien reçu, à la fois par la communauté catholique et de manière générale, par l’opinion publique. Certains y ont vu un geste de modernité politique dans la gestion du gouvernement de l’Eglise. Très brièvement, on souhaiterait revenir ici sur les limites et incertitudes que ce geste engendre.
Premier constat : cette renonciation ne relève pas d’une réflexion collective, collégiale. Elle demeure un geste personnel, libre certes mais qui n’engage que son auteur. Telle est sa première limite. Cette renonciation, qui selon le cardinal Vingt-Trois « lève un tabou », signifie-t-elle que collectivement, les responsables de la hiérarchie catholique (évêques, cardinaux) vont prochainement encadrer dans le temps l’exercice de la mission pontificale ?
On est ici pour l’instant dans l’incertitude et devant deux scénarios.
L’incertitude concerne avant tout le sens du geste : soit il engage l’avenir de l’Eglise catholique, et c’est effectivement un geste politique qui fait entrer, tardivement, le catholicisme dans une certaine modernité politique. Soit il s’agit d’un geste personnel, et alors il relève d’une posture spirituelle référée à la personnalité du souverain pontife.
Passons aux scénarios pour un avenir proche.
Premier scénario : aucune réflexion collective n’est lancée, aucune décision ne vient confirmer le geste de Benoît XVI. Le geste devient alors un acte isolé et son interprétation peut se retourner en constat de faiblesse de Benoît XVI, ou en aveu d’incapacité de la curie à se réformer. Le risque est aussi de voir des supputations et des rumeurs entacher le futur pontificat : la moindre maladie, une avancée en âge deviendront autant de signes avant-coureurs d’une possible démission et donc des risques de déstabilisation du gouvernement de l’Eglise.
Second scénario : la hiérarchie catholique fixe un terme à la fonction pontificale, en prenant pour terme l’âge limite pour les évêques (75 ans) ou celui des cardinaux électeurs (80 ans), avec le risque certain de banaliser la représentation du Souverain Pontife. Décision qui fait entrer l’Église dans la modernité, décision qui désacralise la fonction pontificale, cette renonciation pose, on le voit, des questions plus profondes de gouvernance même de l’Église.
NOUVELLE PUBLICATION : http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-societes-au-risque-conflits.html