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Le blog de francois-mabille.over-blog.fr

Autour du Secours catholique

25 Octobre 2016, 19:52pm

Publié par francois-mabille.over-blog.fr

http://www.pelerin.com/A-la-une/70-ans-du-Secours-catholique-les-raisons-d-un-succes

Il fête ce 8 septembre ses 70 ans. Géant de la solidarité, laboratoire d’innovation sociale et ONG internationale, le Secours catholique est aujourd’hui l’une des principales associations caritatives en France. Comment expliquer ce succès ? Le politologue François Mabille a mené l’enquête, dans un livre à paraître ces jours-ci (1).

À propos de l'article
  • Publié par :Agnès Chareton
  • Édité par :Cécile Picco
  • Publié dans Pèlerin
    8 septembre 2016

Pèlerin : Le Secours catholique a été fondé en 1946 par l’abbé Jean Rodhain, aumônier des prisonniers de guerre, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Dans quel contexte voit-il le jour ?

François Mabille : Le Secours catholique est créé dans un contexte lié à la guerre et à la reconstruction. A la guerre, car Jean Rodhain a une expérience d’assistance auprès des prisonniers de guerre, et à la reconstruction, car la France sort du conflit exsangue. Avec l’appui de Rome, Rodhain va utiliser le réseau constitué pour aider les prisonniers de guerre, pour le mettre au service des personnes en situation de pauvreté. Pour lui, il y a urgence à agir. On retrouve la même idée chez Mère Teresa : il n’y a de véritable témoignage de la foi que par le geste et l’action concrète. Le Secours catholique incarne cette tradition de la charité, compatible avec les exigences du XXe siècle. C’est une « Église-Providence » qui vient pallier les manques de l’État-Providence.

Le Secours catholique a comme particularité de faire partie du réseau Caritas Internationalis (2). En quoi cette dimension mondiale est-elle un atout ?

Jean Rodhain s’est très vite rendu compte que la solidarité ne devait pas avoir de frontières. Il refusait un « chauvinisme de la solidarité. » Il faut agir en France, mais aussi au Bangladesh, en Inde, au Pakistan, pensait-il. On voit bien aujourd’hui la portée de ce message à travers le travail que fait le Secours catholique auprès des migrants, en particulier à Calais. Aujourd’hui, son action ne se limite pas à la lutte contre la pauvreté. A travers Caritas Internationalis, le Secours catholique s’engage sur de nombreuses thématiques internationales, telles que la question des minorités chrétiennes, les droits de l’homme, l’environnement, la question de l’eau, l’agriculture, la santé… Cela fait par exemple trente ans que Caritas Internationalis lutte contre le Sida.

Autre originalité du Secours catholique : il ne veut pas agir « pour » les pauvres mais « avec » eux. En quoi est-ce une petite révolution dans le milieu caritatif ?

Dans les années 1990, le Secours catholique a mené une réflexion très profonde sur la manière de venir en aide aux plus précaires. Cela a débouché sur l’idée que les personnes ne doivent pas être l’objet d’une aide, mais doivent devenir des acteurs de leur propre destin. Le Secours catholique rejoint à sa façon, sur le terrain français de la pauvreté, le Comité contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire), qui a toujours soutenu des acteurs de développement sur place, dans des pays émergents. Le Secours catholique a appliqué cette idée en France : il ne s’agit pas seulement d’accompagner les personnes en situation de précarité, mais d’en faire de véritables partenaires, de leur donner des responsabilités, y compris en les intégrant dans les structures. A part quelques associations comme Emmaüs ou ATD-Quart monde, il est extrêmement rare de trouver une telle démarche ailleurs dans le monde associatif.

Vous dites que le Secours catholique est un «laboratoire d’innovations sociales »… C’est-à-dire ?

Jean Rodhain avait cette expression : la charité est la justice de demain. Par son travail de terrain, le Secours catholique est capable d’anticiper sur des questions sociales émergentes. Son gigantesque réseau – plus de 65 000 bénévoles, 4000 équipes locales - lui permet de faire remonter des informations très fines du terrain. Le rapport annuel que le Secours catholique publie sur la pauvreté est le fruit de cet incroyable travail de remontée d’informations, de mise en place de statistiques et de décryptage des situations sociales. Ce travail de veille s’est traduit dans l’histoire du Secours catholique par des actions d’anticipation. En 1973, il ouvre ainsi le premier foyer d’accueil pour les familles qui viennent visiter un proche à l’hôpital, le Rosier rouge. Autre exemple, le RMI (ndlr Revenu Minimum d’Insertion, remplace par le Revenu de Solidarité Active, RSA) a été inspiré par l’action du Secours catholique.

Comment expliquer le succès du Secours catholique, alors que dans le même temps, le catholicisme s’est progressivement effacé dans la société française ?

Premièrement parce qu’il propose d’agir. Ensuite, il propose aux bénévoles des actions très variées : faire de l’alphabétisation, des campagnes de lobbying, être à Calais ou à Paris auprès des migrants, travailler en paroisse ou sur des actions internationales…  Le succès du Secours catholique s’explique enfin par le fait qu’il transcende les différentes sensibilités catholiques. Aujourd’hui, l’appartenance politique d’un militant ou d’un bénévole a peu d’importance. Des enquêtes montrent d’ailleurs que des personnes athées, ou d’autres religions, s’engagent au Secours catholique.

Quelle est la sociologie des chrétiens qui s’engagent aujourd’hui au Secours catholique ?

Le Secours catholique est passé d’un réseau essentiellement paroissial et rural à un réseau plus urbain, et moins calqué sur le découpage des paroisses. Traditionnellement, les militants du Secours catholique étaient plutôt des catholiques de droite, et du CCFD étaient des catholiques de gauche. Aujourd’hui, cette distinction ne fait plus sens, en raison des brouillages politiques et de l’évolution des pratiques des associations. On n’adhère  plus au Secours catholique en raison d’une sensibilité politique ou ecclésiale, mais en fonction du type d’engagement proposé. C’est aussi cela qui explique sa longévité : cette association fait preuve d’un pragmatisme qui met au second plan les questions idéologiques.

(1)    Le Secours catholique, 1946-2016, François Mabille. Ed. du Cerf, 240 p., 19 €.

(2)    Piloté par le Saint-Siège, le réseau Caritas Internationalis rassemble plus de 160 acteurs de la solidarité partout dans le monde. www.caritas.org/fr

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